Jean Sebedio : gloire et déboires du Sultan

Vénéré par les Anglais, craint par ses partenaires autant que ses partenaires, Jean Sébédio, dit le Sultan, fut une des figures charismatiques du rugby français avant et après la 1ère Guerre mondiale. Joueur rugueux mais doué, son caractère volcanique autant que son goût pour la bouteille ont fait sa légende.

Pour les Anglais, Sébédio fut tout simplement le premier grand joueur à avoir représenté la France. Philip Dine dans son livre « French Rugby Football – A cultural history », en fait un personnage essentiel dans son récit car il voyait en lui un personnage emblématique du rugbyman français.

« Il ne craignait personne le Sultan, ni sur un terrain, ni devant un comptoir »
Il y reprend notamment les anecdotes que narre Henri Garcia dans ses « Contes du rugby ». Voici le portrait qu’il en fait : « Une tête de tribun à la Danton, un cou de taureau énorme et un extraordinaire corps d’athlète, tel était l’homme qui régnait sur le Languedoc au lendemain de la 1ère Guerre mondiale ».

Il ajoute : « C’est qu’il ne craignait personne le Sultan, ni sur un terrain, ni devant un comptoir ». Car l’homme était aussi connu pour ses excès de boissons effrayants. Il ne pouvait pas commencer une journée sans une bonne rasade d’absinthe ou de Cinzano. C’est d’ailleurs ravagé par l’alcoolisme qu’il meurt le 12 juin 1951. Il ne pesait plus qu’une cinquantaine de kilos quand il en faisait le double au temps de sa splendeur de joueur.

Une vista, une détente et une vitesse inouïe pour un avant
Basque de naissance (il naît à Saint-Jean-de-Luz en 12 décembre 1890), il fut d’abord un excellent pelotari (champion de France en 1920) avant de découvrir le rugby en 1908 du côté d’Hendaye. Avant guerre, il parcourt une bonne partie de la Côte basque et des Pyrénées, jouant à Biarritz en 1910-1911, puis à Tarbes à partir de 1911.

En 1913, il connaît sa première sélection avec le XV de France. C’est alors un athlète surdoué à la puissance impressionnante. Malgré son quintal pour seulement 1,75 mètre, on n’avait jamais vu en France un telle vista, une telle détente, ni une telle vitesse chez un avant.

La guerre interrompt sa carrière. Il est mobilisé et expédié en Syrie d’où il revient avec ce surnom de Sultan qui colle parfaitement à ce personnage truculent aux excès légendaires. Après guerre, il s’installe dans le Languedoc et singe à Béziers avant de se fixer un temps à Carcassonne où il gère « Chez le Sultan », une entreprise de matériel automobile.

Il fête son retour en équipe de France en 1920, d’abord contre l’Ecosse au poste de pilier, puis contre l’Irlande à son poste de prédilection, 3ème ligne aile. Il participe ainsi à la première victoire française en terre étrangère faisant preuve d’un acharnement sans faille tout au long de la partie contre le demi de mêlée irlandais Polden. Au soir de la victoire, il est arrêté par la police dans un pub de Dublin pour avoir chanté La Marseillaise et des chants révolutionnaires avec des indépendantistes irlandais.

Ecarté de l’équipe de France en 1921, il est de nouveau sélectionné en 1922 et 1923. Il refusa ensuite toute sélection car il ne voulait jouer qu’en 3ème ligne et non ne 1ère ligne comme le voulaient les sélectionneurs.

La terreur des arbitres
En 1926, il signe à Lézignan pour son dernier pari dans le rugby. D’abord entraîneur-joueur, il se contenta rapidement de la première fonction. Sébédio, qui s’était déjà bâti une belle réputation de terreur des arbitres, profita de cette période pour grossir un peu plus le trait. Ainsi, lorsqu’il les accueillait dans son fief de Lézignan, il s’empressait de leur faire visiter leur vestiaire au plafond duquel pendait un squelette avec un sifflet à la bouche. De sa voix sépulcrale, il précisait : « ce n’est rien. C’est le dernier arbitre à avoir sifflé ici une pénalité contre Lézignan ».

En 1929, il emmène Lézignan en finale du championnat de France contre son voisin Quillan. A l’heure de l’échauffement, il cultive son personnage en se présentant au milieu du terrain avec un grand fouet et un large sombrero pour faire courir ses joueurs comme des bêtes de cirque.

L’effet fut inutile autant que la rudesse des ses joueurs et Lézignan s’inclina logiquement. Déjà battu avec Tarbes en 1914 (bien qu’il ne joua pas la finale) et avec Carcassonne en 1925, Sébédio ne fut jamais champion de France. Il quittait Lézignan et les affaires du rugby au terme de la saison suivante.

Les Toulonnais se plurent à commémorer comme il se doit sa mémoire à travers une phase de jeu, « la Sébédio » qu’ils pratiquaient à l’entraînement dans les années 1970 et 1980. Il s’agissait d’une séquence dans un tout petit périmètre dont l’objectif était de développer l’esprit guerrier des joueurs, autant que de régler les contentieux internes.

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Une réflexion sur “Jean Sebedio : gloire et déboires du Sultan

  1. Sébédio dit :

    Je suis la petite fille de son frère..

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